D’un village de Savoie à Haywood au Manitoba
Le récit de migration de Jean-Louis Picton (1904-1913)
Par Sandrine HallionPour au sujet de l'autrice et lire le résumé.
Ce texte fait partie de l’anthologie Les récits de voyage et de migration comme modes de connaissance ethnographique
RÉSUMÉ – En 1905, Jean-Louis Picton et sa famille émigrent au Manitoba pour s’établir à Haywood, dans la région de la Montagne Pembina. Ils sont accompagnés de plusieurs migrants de la même commune française, Jarrier en Savoie. Jean-Louis Picton passera le reste de ses jours à Haywood, jusqu’à son décès le 13 mars 1925, à 53 ans. Dans le manuscrit qu’il a légué à ses descendants, Mémoire d’une émigration, il raconte son projet et ses préparatifs de départ, son arrivée au Canada, son installation à Haywood et les huit premières années qu’il y passe. Ce manuscrit d’une quarantaine de pages, que nous contextualisons et dont nous reproduisons les vingt-deux premières pages, constitue un précieux témoignage de la disposition mentale dans laquelle l’individu se trouve face à l’émigration: cet événement central est sous-tendu par la rupture, marquée par l’abandon de sa région natale et de ses attaches ancestrales, mais aussi par l’espoir de maintenir, dans le pays d’adoption, un cadre de vie en accord avec ses convictions morales et idéologiques.
Au sujet de l’autrice
Sandrine Hallion est professeure titulaire et enseigne la linguistique française à l’Université de Saint-Boniface à Winnipeg. Ses travaux portent sur les variétés du français parlé au Canada, la didactique du français oral en contexte francophone minoritaire et les idéologies linguistiques. Elle s’intéresse également aux liens entre processus migratoires, circulations culturelles, récits de migration, discours sur les langues et variétés de français en francophonie manitobaine.
En 1905, Jean-Louis Picton et sa famille émigrent au Manitoba pour s’installer dans la région de la Montagne Pembina. Accompagnés de plusieurs migrants de la même commune française, Jarrier en Savoie (Moyenne-Maurienne), Jean-Louis Picton passera le reste de ses jours à Haywood, jusqu’à son décès le 13 mars 1925, à 53 ans. Dans un manuscrit légué à ses descendants, il fait le récit de sa migration et des premières années passées dans son pays d’adoption. C’est l’essentiel de ce récit que nous présentons ici1.
Les Prairies canadiennes et la migration française
Dans les trois dernières décennies du xixe siècle, les Prairies canadiennes s’ouvrent à la colonisation agricole. Au cours de ce que Paul-André Linteau, Yves Frenette et Françoise Le Jeune appellent la deuxième grande vague migratoire [des Français] vers le Canada
(2017: 8), des milliers d’immigrants français s’installent dans le pays. Durant cette période de migration qui s’amorce à la création de la province du Manitoba en 1870 et qui ne tarit qu’à la veille de la Première Guerre mondiale, la France ne participe toutefois que modestement au peuplement du Canada. Dans l’Ouest, l’apport des immigrants français est également faible, malgré les stratégies mises en place par l’Église pour y maintenir et y consolider l’influence franco-catholique (Painchaud, 1987). Parmi les Français qui s’établissent au Manitoba, un certain nombre sont à l’origine de la fondation de paroisses où ils forment la majorité de la population. C’est le cas de Notre-Dame-de-Lourdes (1891), de Saint-Claude (1895) et de Haywood. D’abord rattachée à Saint-Claude, Haywood, située à une quinzaine de kilomètres à l’est, érige son église et constitue une paroisse indépendante à partir de 1909, la paroisse Saint-Denis-de-Haywood.
Figure 1L’église de Haywood, Manitoba (sans date)
Société historique de Saint-Boniface, Collection générale, SHSB16956.
Figure 2Premier contingent d’immigrants savoyards en route vers le Lac-Saint-Jean, 1904
Livernois. BAC, C-00608.
Le territoire comprenant Saint-Claude, Haywood et ce qui deviendra la mission métisse de la rivière aux Îlets-de-Bois, puis de Saint-Daniel, était connu sous la désignation Îles des Bois
et Haywood
serait la traduction libre du nom Îlets de Bois2
, l’emplacement de la colonie se trouvant sur un petit coteau boisé et sablonneux (La Liberté et le patriote, 6 janvier 1943: 2). En 1871, Haywood et les environs, déjà occupés par des Métis, accueillent des immigrants ontariens (McCullough, 2019). En 1894, le Canadian Pacific Railway établit un point d’accès ferroviaire à Haywood (Geographical Names Book of Manitoba, 2000: 109). Une petite communauté commence ainsi à s’organiser à la fin du siècle, mais c’est en avril 1904, avec l’arrivée d’un premier groupe de 25 Savoyards3, mené par Maurice Fay, originaire de Jarrier, que la population augmente (La Liberté et le patriote, 16 décembre 1942). Fay s’était installé en 1895 à Rathwell4, à l’extrême nord de la paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes, avec sa femme, Joséphine Gaden, et leurs deux enfants (Gaborieau, 1990: 422)5. Retournée en France en 1903, la famille n’y reste qu’une année, pour revenir dans la région de la Montagne Pembina, accompagnée de plusieurs compatriotes de Jarrier6. Parmi ceux-ci se trouve le beau-frère de Jean-Louis Picton, Alexis Déquier, chargé d’évaluer les possibilités d’installation qu’offre le Canada pour la famille Picton. Jean-Louis, son épouse, leurs enfants, ses beaux-parents et un nouveau groupe de onze Jarriens (Listes des passagers en partance, Royaume-Uni, 1890 à 1960, Ancestry.com, 2012) l’y rejoignent le printemps suivant. Ce sont ces événements qui précèdent son départ de France, le voyage vers le Canada avec sa famille et les huit premières années à Haywood qui sont au cœur de son journal7.
Jean-Louis Picton
Jean-Louis Picton, fils de Casimir Picton (1826-1911) et de Petronille Juillard (1835-1899), est né le 21 juillet 1871 à Jarrier. On sait peu de choses sur ses jeunes années, si ce n’est qu’il les passe dans sa commune d’origine, puis fait son service militaire dans le 158e Régiment d’infanterie8, probablement entre 1892 et 18949. En 1895, il se marie avec Sophie-Louise Déquier (1875-1945) et leur premier enfant, Pierre, naît l’année suivante. Lorsque la famille émigre au Manitoba dix ans plus tard, Jean-Louis et son épouse ont déjà cinq enfants: à l’aîné se sont ajoutés Angèle (1897), Amédée (1899), Zénaïde (1902) et Anaïs (1904).
Figure 3Jean-louis Picton (1871-1925)
Société historique de Saint-Boniface, Fonds Famille Jean-Louis Picton et Sophie Picton (née Déquier), SHSB 64986.
Comme la plupart des agriculteurs de Jarrier (Pyée, 2005) et de la Moyenne-Maurienne (Donze, 1992), Jean-Louis Picton est propriétaire d’une terre et y pratique une agriculture de subsistance. En Savoie, comme dans d’autres régions agricoles françaises à cette période, les propriétés sont petites, morcelées et partagées à chaque génération, leur exploitation ne suffisant généralement pas à faire vivre les familles, souvent nombreuses (Désert, 1976; Pyée, 2005). Albert Donze, faisant le récit de la migration de sa famille originaire de Fontcouverte, village voisin de Jarrier, vers la Montagne Pembina, remarque: Ma grand-mère était, elle, d’une de ces familles besogneuses où il y avait toujours plus d’enfants à nourrir que de terres à cultiver
(1992: 359). À cela s’ajoutent l’épuisement des sols qui, selon Jean-Louis Picton, ne rend[ent] qu’à force d’enfouissement de fumier et d’engrais de toutes sortes
(p. 3)10, et le poids de la fiscalité. Avant son départ pour le Canada, Picton occupe aussi un emploi de facteur des Postes et Télégraphes à Saint-Julien-de-Maurienne, mais qui, d’après son journal, lui rapporte si peu qu’il le quitte sans regret (p. 7).
Figure 4Chalets et pâturages à Fontcouverte (au-dessus de Saint-Jean-de-Maurienne), 1896
Bibliothèque nationale de France, INRAE, Cemagref_0341.
alpages, durant les mois d’été. Les femmes et les enfants les accompagnent, apportant le nécessaire à la vie en montagne, au soin des animaux et à la préparation du fromage et du beurre. Les familles logent dans des chalets, également appelés
montagnes(Dequier et Viallet, 1985).
Les principaux motifs qui le poussent à émigrer sont évoqués dans la préface du journal. Outre sa situation socioéconomique, la première raison est d’ordre politicoreligieux: les politiques anticléricales de la IIIe République laissent présager un avenir sombre pour l’éducation de ses enfants, auquel l’émigration permet de se soustraire. Comme pour un certain nombre de colons français catholiques qui rejoindront l’Ouest canadien, le Canada représente pour Picton une terre promise
où il sera libre de pratiquer sa religion, une image que la propagande en faveur de l’émigration française vers le Canada propage depuis l’ouverture des Prairies à la colonisation (Pyée, 2005). L’Ouest apparaît aussi comme une terre promise, dans la mesure où la loi sur les terres du Dominion de 1872 (ou Loi des terres fédérales) permet à toute personne de plus de 21 ans [d’être] éligible à un brevet de propriété d’un “quart de section”, un lot de 65 hectares
(Yarhi et Regehr, 2020) pour la somme de dix dollars, qui couvre les frais administratifs. Au moment de l’émigration de Picton, les terres quasi gratuites du Dominion ont toutefois déjà été largement distribuées. En 1904, ce dernier engage donc auprès de la Compagnie de la Baie d’Hudson, par l’intermédiaire de son beau-frère Alexis, la somme de 5 600 francs11 pour l’achat [d’]une ferme de 64 hectares sur le territoire d’Haywood
(p. 12).
Figure 5Famille Jean-Louis Picton et Marie-Martin Déquier à Jarrier (Savoie, France), au printemps 1904
Société historique de Saint-Boniface, Fonds Famille Jean-Louis Picton et Sophie-Louise Picton (née Déquier), SHSB 10802.
celle-ci présente en figurine le corps du Christ sur une face, et une vierge au revers, ses bras se terminent en fleurons(Dequier et Viallet, 1985: 288).
Comme Picton le révèle dans son journal, le projet migratoire trouve son origine dans le retour de son ami Maurice Fay à Jarrier. Ce sont les récits de celui-ci sur ses expériences canadiennes qui incitent Picton à considérer l’idée d’une émigration vers le Canada. Il souligne à plusieurs reprises dans son manuscrit (p. 4, 5 et 7) que son ami fait un portrait objectif de la situation au Manitoba et ne cache pas les difficultés inhérentes à l’entreprise migratoire et à l’établissement dans un nouveau pays où tout reste à construire, comme le confirme d’ailleurs le récit de son fils Pierre: Le Canada n’est pas l’Eldorado que certain [sic] croient. Maurice FAY fut sage de ne rien embellir
(Dossier Savoyards, 1959, SHSB, Fonds 0001, 1,2/63/307). L’insistance de Jean-Louis Picton sur la franchise de Fay quant aux conditions de vie au Canada et aux réalités de la migration renforce l’idée que sa décision repose sur une analyse raisonnée de la situation et qu’il assume entièrement la responsabilité du choix d’émigrer avec sa famille. Sa migration n’est d’ailleurs ni précipitée ni isolée: il envoie d’abord son beau-frère Alexis en éclaireur, et le caractère familial de la migration lui permet de ne pas se retrouver en territoire inconnu complètement coupé de son monde. Ce sont en effet plusieurs familles souvent apparentées, ou encore des amis proches, qui quittent Jarrier pour le Canada en 1904 et 1905. Les beaux-parents de Picton, Martin et Généreuse Déquier, émigrent ainsi avec Jean-Louis et sa famille. Cet encouragement mesuré à la migration par des réseaux de sociabilité locaux
(Pyée, 2005: 240) contraste avec les méthodes de prospecteurs, payés à la commission par les pays d’immigration et les compagnies de chemin de fer qui avaient des concessions à vendre, [qui] parcouraient les régions pauvres pour trouver des clients […] [et qui] promettaient souvent monts et merveilles [aux futurs migrants]
(Donze, 1992: 360). La grave décision
(p. 4) de migrer est donc prise avec discernement, ce qui peut en partie expliquer la réussite de l’enracinement de Picton et de ses proches en terre canadienne, malgré l’attachement à leur paroisse d’origine (p. 10 et 18) et les vicissitudes de l’établissement et des premières années au Canada. En effet, même si les retours en France des migrants établis entre le début des années 1890 et la Première Guerre mondiale à la Montagne Pembina, en particulier à Notre-Dame-de-Lourdes et à Saint-Claude, furent peu nombreux, les conditions de vie difficiles au Manitoba amènent certains à faire le voyage de retour. Notons que les migrants qui délaissent les deux communautés pour rentrer en France y sont à nouveau confrontés à la réalité qu’ils ont quittée et sans doute oubliée face aux difficultés initiales présentées par le Manitoba
(Pyée, 2005: 301). Ils effectuent, assez souvent, des retours en boucle
(Pyée, 2005: 301) et reviennent finalement s’établir à la Montagne Pembina12.
Figure 6Famille Jean-Louis et Sophie-Louise Picton durant l’été de 1916
Société historique de Saint-Boniface, Fonds Famille Jean-Louis Picton et Sophie-Louise Picton (née Déquier), SHSB 10803.
Picton évoque explicitement un seul véritable obstacle à son départ de France: le bail de la ferme de la fabrique
(p. 8), dont il doit se défaire par résiliation ou par cession. Bien que cette affaire lui cause de nombreux soucis, il réussit à se dégager de cette obligation (p. 8). Il semble par ailleurs posséder quelques avoirs: dès 1904, il engage la somme de 5 600 francs pour l’achat d’une terre à Haywood. En outre, il envoie 400 francs13 à Alexis en septembre 1904 afin de le soutenir dans ses démarches d’établissement (p. 14). Pour réunir l’argent nécessaire au voyage ainsi qu’à l’achat et à l’ameublement de la ferme de Haywood, il reçoit l’appui financier de son père qui se départit de deux fermes et de vignes qu’il possède à Jarrier et dans les hameaux environnants (p. 14). Ce dernier partage ses biens entre ses cinq enfants, et Jean-Louis revend sa part à son frère et à ses sœurs (p. 16). À l’issue de la transaction, il [quitte] Jarrier avec la somme de 1 800 fr14
(p. 17). Ainsi, et comme le remarque Pyée (2005: 138), Picton et les Savoyards de Jarrier ne sont […] pas les migrants les plus pauvres à arriver dans la région de Saint-Claude et Haywood ou de Notre-Dame-de-Lourdes
. La famille Picton semble toutefois investir toute sa fortune dans son projet de migration et c’est un travail acharné, dont le fruit sera soumis aux aléas météorologiques et économiques, qui attend Picton à Haywood (p. 23-40). Rappelons qu’il émigre avec une famille nombreuse et jeune: ses cinq enfants ont tous moins de 10 ans et ne peuvent pas encore aider au travail agricole. Dans un court article qui rappelle l’ordination, le 21 août 1921, de son fils aîné, Pierre, on peut lire: [L]es parents [de ce dernier] arrivaient à Haywood pauvres en argent mais riches en enfants
(La Liberté et le patriote, 24 février 1943: 1). Une fois au Manitoba, la famille s’agrandit à un rythme régulier et, au recensement de 1916 (Recensement de Manitoba, Saskatchewan et Alberta), la maisonnée compte cinq enfants de plus: Rose, née en 1906, Marie, en 1908, Jeanne, en 1909, Cécile en 1912 et Thérèse, qui est âgée d’un an. Martin Déquier (1850-1928), le beau-père de Picton qui est devenu veuf, habite également sous le même toit. Au recensement de 1921 (Sixième recensement du Canada), la maisonnée compte encore deux enfants supplémentaires: Marcelle, qui est âgée de quatre ans, et Jean, de deux ans.
Picton et son épouse sont profondément attachés à la religion catholique et à ses enseignements moraux, qu’ils inculquent à leurs enfants. Leur fils aîné est le premier prêtre issu de la paroisse de Saint-Denis-de-Haywood. Dans l’article de La Liberté et le patriote cité précédemment, le couple est décrit comme possédant une foi profonde et un amour sans borne au service de l’Église, apanage de nos bonnes et vieilles familles françaises
(24 février 1943: 1). L’article souligne également le dévouement de Jean-Louis Picton pour les œuvres paroissiales
et les corvées d’église
, l’identifiant comme [l’]un des vrais fondateurs de la paroisse
. Les passages de son journal où transparaît son affectivité sont d’ailleurs essentiellement en lien avec des événements de nature religieuse. Le départ du premier groupe de ses compatriotes au printemps 1904 provoque ainsi un premier épanchement affectif à l’évocation de la messe célébrée à Jarrier, qui est l’occasion pour chacun, dans le plus profond secret de son cœur, [de] faire ses adieux à cette église qui les a contenus, à leur baptême, à leur confirmation, à leur communion, à plusieurs à leur mariage et peut être ne les verra plus à leur mort
(p. 10). Quand, au printemps suivant, c’est au tour de sa propre famille de partir pour le Canada, l’église est à nouveau le lieu de l’investissement émotif: [L]e cœur se serre à la pensée que peut-être nous ne reverrions plus cette Église qui a vu disparaître un grand nombre de nos parents; cette Église qui a été le berceau de notre éducation chrétienne et catholique, et qui servit d’enceinte à l’édification de notre jeunesse et par les instructions et les exemples de nos pasteurs fit de nous tous des croyants et fervents catholiques
(p. 18). Ces passages, en plus de témoigner de la piété de Picton, soulignent l’importance de la paroisse comme lieu de formation, de rassemblement et de cohésion sociale, mais aussi comme symbole central de l’attachement au pays d’origine.
Si Leslie Choquette et John Willis (2019: 7) notent que [l]a question de l’adaptation, ou de l’acculturation des immigrants est complexe
, le journal de Picton révèle surtout une adaptation rapide à son nouvel environnement. Il ne contient aucun commentaire comparatif entre le mode de vie français qu’il a quitté et celui qui deviendra le sien en terre canadienne15. La réception de la troisième lettre de son beau-frère Alexis, en août 1904, suscite la remarque suivante: [La lettre] nous apporta beaucoup de nouvelles plus précises que les précédentes, cela se comprenait, il se faisait aux habitudes du pays
(p. 13). Il lui semble donc qu’après seulement deux ou trois mois Alexis a déjà pris ses repères dans son nouveau pays. Pour Picton, le sentiment d’étrangeté vient surtout de l’incompréhension que provoque le contact avec divers groupes qui ne parlent pas français au cours de son voyage et à son arrivée à Winnipeg. Au débarquement à Québec, il écrit: nous appréciâmes le parler Français; car quel contraste avec pendant les 10 jours de traversée au milieu des Anglais et d’autres types de nationalité différente, dont nous ne pouvions comprendre un traître mot
(p. 20). À Winnipeg, il se dit désorienté par la prédominance de l’anglais et retrouve avec grand plaisir
son ami Maurice Fay, venu accueillir le groupe de Savoyards (p. 21). Sans surprise, Picton décrit ses activités au Manitoba avec les mots du pays: la terre est mesurée en acres, les distances en milles, la hauteur en pieds, la récolte en minots; les achats se font en piastres ou en dollars (p. 23-28). La forte présence de colons français à la Montagne Pembina, y compris à Haywood, n’est sans doute pas étrangère à la facilité avec laquelle Picton semble s’être adapté à sa nouvelle vie. La présence de compatriotes, de plusieurs membres de la famille et des amis de Jarrier, constitua sans doute un environnement favorable à une acclimatation progressive et à une expérience de migration réussie.
Nature du texte
Une copie du manuscrit de Picton (version 1), que l’on peut supposer autographe, est conservée dans le dossier Jean-Louis Picton16 de la Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface à Winnipeg. Une petite carte jointe au dossier mentionne qu’elle a été donnée à la Société historique de Saint-Boniface par un certain Robert, à qui Georges Picton aurait prêté l’original17. Robert et Georges sont probablement les enfants d’Anaïs Picton, cinquième enfant de Jean-Louis et de Sophie-Louise (Haywood History Committee, 2007: 235-236). Une deuxième copie du manuscrit (version 2) se trouve également dans le dossier: elle est quasiment identique à la première. Toutefois, le texte, dont les pages sont agrafées et réunies en un livret à couverture rigide, comporte quelques reformulations et corrections orthographiques. Ce dossier contient enfin une transcription dactylographiée, peut-être par l’un de ses descendants, du manuscrit de Picton (version 3). Cette version présente quelques ajouts et quelques modifications plus importantes par rapport à la version 2. On y trouve, par exemple, la conversion en dollars de l’époque des sommes en francs ou celle en acres des mesures agraires données en hectares. Par ailleurs, alors que certaines fautes du manuscrit original sont corrigées, d’autres sont introduites et certains mots sont modifiés. Une bonne partie des premières pages du manuscrit de Picton, celles qui traitent de l’émigration, est aussi reproduite dans un document dactylographié par le fils aîné de Jean-Louis Picton, Pierre, et conservé dans le dossier Savoyards18 de la Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface. Le texte est assez fidèle à l’original, si ce n’est que les fautes d’orthographe et de grammaire y sont pour la plupart corrigées. Dans ce document, le manuscrit sert aussi de source à des commentaires sur les conditions d’installation des Jarriens à la Montagne Pembina. Enfin, des extraits du manuscrit ainsi que du témoignage de Pierre Picton sont reproduits dans l’ouvrage de Daniel Dequier et Jean-Henri Viallet, qui consacrent quelques pages à l’émigration des Jarriens au Canada au début duxxe siècle (1985: 182-186).
Figure 7Page couverture de Mémoire d’une émigration de Jean-Louis Picton, 1913
Centre du patrimoine – Société historique de Saint-Boniface, Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface, 1,2/63/307.
La version 1, que nous utilisons, compte 40 pages, incluant la page de couverture dactylographiée. De la page 2 au début de la page 23, Picton consacre son récit à la mise en contexte de l’émigration de sa famille, aux étapes qui y ont mené, au voyage proprement dit et à l’installation à Haywood. De la page 23 à la fin du manuscrit, il décrit ensuite ses huit premières années au Manitoba, en les découpant par saison. Cette narration débute avec l’été 1905 et se termine avec l’hiver 1912-1913.
Mémoire d’une émigration est le titre qui figure sur la couverture dactylographiée du manuscrit. On y mentionne également le nom de l’auteur ainsi que le sous-titre Journal d’un émigré de Jarrier, Savoie, France, colon-pionnier à Saint-Denis de Haywood, Man. 1904-1913
. Le titre du récit de Picton est aussi reproduit sous forme manuscrite à la page 5, après la préface de l’auteur, qui occupe les pages 2 à 4.
Figure 8Page titre de Mémoire d’une émigration de Jean-Louis Picton (détail)
Centre du patrimoine – Société historique de Saint-Boniface, Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface, 1,2/63/307, p. 5.
Dans la préface, Picton identifie les destinataires de son récit et en détermine la vocation. Cette mémoire
de l’événement migratoire, confiée aux bons soins de sa famille, est destinée à passer de postérité en postérité19
(p. 4). Son intention est de rappeler à ses descendants le pays d’origine de leurs ancêtres, pour les encourager à préserver les traditions familiales. En faisant référence au caractère Savoyard
(p. 4) de la famille, Picton ancre ces traditions dans une région française et le terme pays
, dont il use, est probablement à prendre dans son acception restreinte20.
Le manuscrit ne contient aucune information qui permettrait d’en dater la rédaction ou de déterminer s’il a été rédigé d’une seule traite. Le fait que Picton qualifie son récit de Mémoire
, et qu’il le rédige au passé, pourrait suggérer qu’il a été écrit après 1913 en convoquant une série des souvenirs. Certes, une série de détails chronologiques et événementiels sont très précis, mais Picton a pu avoir conservé les lettres de son beau-frère, dont il aurait nourri son texte. Peut-être avait-il aussi consigné dans un cahier, à la manière d’un journal, des dates et des notes sur les préparatifs à l’émigration, le voyage, l’établissement et les premières années au Manitoba, en vue d’en rédiger le récit ultérieurement.
Quelques indices graphiques et grammaticaux permettent toutefois une autre interprétation. La graphie du texte est ainsi régulière dans toute la première partie du récit (préparatifs, départ, arrivée au Manitoba, p. 1 à 22). L’écriture y est plus petite, plus serrée et le style plus soigné que dans la deuxième partie du manuscrit. À partir de la page 27, les caractères sont plus gros, les mots plus espacés, l’orthographe plus erratique et c’est dans cette partie que Picton omet par deux fois la particule négative ne
(p. 32), alors qu’elle est toujours présente précédemment. De temps à autre, le récit passe aussi du passé au présent. Picton aurait donc pu commencer la rédaction de son texte peu après son arrivée au Manitoba, au cours de l’hiver 1905-1906, alors que les activités agricoles étaient réduites. Il aurait ensuite, à chaque saison jusqu’à l’hiver 1912-1913, noté les principaux événements qui marquaient sa nouvelle vie et celle de sa famille. Cette deuxième interprétation nous paraît la plus juste. Le manuscrit aurait ainsi servi tout à la fois à la mémoire du récit migratoire et à l’annotation, à la manière d’un journal saisonnier, des faits, souvent répétitifs et anodins, qui ponctuaient les premières années de Picton au Manitoba21.
À notre connaissance, ce manuscrit de Picton n’a jamais été diffusé. Tout au plus fut-il consulté pour produire des travaux de recherche communautaires ou scientifiques: un texte sur l’histoire de Saint-Claude et de sa région (A.S.H.S.B. De Moissac, 1984), un livre sur le passé du village de Jarrier (Dequier et Viallet, 1985), un autre publié à l’occasion du centenaire de Saint-Claude (Anecdotes. Saint-Claude, Manitoba, 1892-1992, 1992), une thèse de doctorat sur l’histoire des migrants français à Notre-Dame-de-Lourdes et à Saint-Claude (Pyée, 2005) ou encore un livre sur l’histoire de la paroisse de Haywood (Haywood History Committee, 2007). Il représente en effet une ressource d’intérêt pour qui examine l’histoire des migrations à l’échelle familiale et communautaire à partir de documents de première main. Si ces derniers nourrissent bien souvent les récits paroissiaux du Manitoba français – l’utilisation du récit de Picton dans le livre du centenaire de Saint-Claude (1992: 60) en est un bon exemple –, ils sont parfois d’un accès difficile, qu’ils soient conservés par les familles ou encore dans des archives paroissiales.
Figure 9Page de Mémoire d’une émigration de Jean-Louis Picton (détail)
Centre du patrimoine – Société historique de Saint-Boniface, Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface, 1,2/63/307, p. 28.
Orthographe et style du scripteur
Si le manuscrit témoigne d’une orthographe parfois irrégulière et s’il est parsemé de fautes
– ce sont surtout les accents qui font défaut –, la narration est organisée et cohérente, le vocabulaire précis et varié. Picton respecte le style et le ton d’un récit événementiel qui oscille entre un point de vue collectif, surtout, et subjectif: il parle majoritairement au nom d’un nous
, incluant ses proches et ses compatriotes dans l’expérience relatée, mais il prend aussi parfois la parole en son propre nom, révélant alors des opinions et des sentiments personnels sur les faits qu’il rapporte. La narration est essentiellement faite au passé simple, temps fortement associé à l’écrit, au récit historique et littéraire dès le français classique, alors que son déclin dans la langue orale est avéré dès la fin du xviiie siècle (Labeau, 2015: 176-177). Picton a été scolarisé et c’est sans doute dans ce cadre qu’il a appris l’usage de ce temps qui demeure, à la fin du xixe siècle, le temps privilégié du récit à l’écrit (Labeau, 2015: 179). On ne sait toutefois pas jusqu’à quel âge il a fréquenté l’école. A-t-il reçu un enseignement au-delà de ses 13 ans, âge jusqu’auquel l’école est obligatoire après les lois de Jules Ferry du début des années 1880 ? Le manuscrit ne permet pas de répondre à cette question, la seule mention de sa scolarité apparaissant lorsqu’il désigne son ami Maurice Fay comme son ancien condisciple d’école
(p. 6). On sait en revanche qu’il attache une certaine importance à l’instruction, surtout celle qui est dispensée par les congrégations religieuses qui, après la laïcisation de l’instruction en France dans les années 1880, pourront ouvrir des écoles libres pour y poursuivre leur œuvre d’éducation. Dans la préface de son manuscrit, il qualifie en effet l’ enseignement libre congréganiste
de palliatif précieux à la situation précédente [c’est-à-dire une situation où prévalait l’enseignement religieux], pour ceux qui voulaient l’employer
(p. 2). Selon les statistiques de 1873, les quatre cinquièmes des élèves du primaire étaient scolarisés dans des établissements publics en Savoie (A.D.S. Pérouse, 1910: 95-96). Le manuscrit ne permet donc pas de savoir s’il a fréquenté l’une des 29 écoles libres du département, qui n’accueillaient que 2 % de la population scolaire au niveau primaire (donnée de 1873 dans A.D.S. Pérouse, 1910: 96), ou l’école publique, comme la plupart des enfants savoyards de l’époque.
Quoi qu’il en soit, il semble évident qu’il a été initié aux rudiments de la composition française, exercice à visée moralisatrice qui, à l’école rénovée de Ferry, encourageait les élèves à une écriture expressive au style travaillé. L’extrait suivant de son manuscrit, exploitant la figure métaphorique du manteau blanc
pour désigner la neige, rappelle ainsi les exemples donnés par Chervel (1987: 32) pour illustrer le type de formules stéréotypées apprises par le truchement de cet exercice scolaire: depuis le 20 Février le temps se radoucit, la neige s’en va tous les jours et au mois de mars tous le terrain était débarrassé de son manteau blanc
(p. 29).
Question de langues
À la fin du xixe siècle, les Savoyards, comme bon nombre d’habitants de la France rurale, avaient conservé l’usage de leur dialecte régional, même si, depuis le xvie siècle, le français s’était répandu dans le duché de Savoie, notamment dans la vallée de la Maurienne. Le Savoyard bilingue se trouvait dans une situation de diglossie: le français couvrait le champ des relations formelles et écrites, le dialecte savoyard22 celui des relations informelles quotidiennes. À l’époque de la jeunesse de Jean-Louis Picton, le savoyard commence à perdre du terrain comme langue d’usage, sous le coup de divers facteurs, dont les campagnes militaires prolongées, le brassage des populations dans les villes de la région et la scolarisation obligatoire. À l’école républicaine, c’est le français qui domine: langue d’enseignement, langue de la lecture et de l’écriture, c’est aussi la langue que l’enseignant parle aux élèves pour favoriser leur réussite (Tuaillon, 1997: 80-81).
Dans son texte, Picton ne mentionne à aucun moment qu’il fait usage d’une autre langue que le français. Son manuscrit ne comporte aucun régionalisme, si ce n’est l’expression se faire faire la perruque
, qu’il glose en se faire couper les cheveux
(p. 6), ce qui indique qu’il s’agit vraisemblablement d’une expression régionale susceptible de ne pas être comprise par tous les lecteurs. La forme parukâ, signifiant coiffer
ou soigner les cheveux
, est attestée dans la région d’Aix-les-Bains (Viret, 2016: 674). Mentionnons également la locution par ensemble (avec)
, dont il y a deux occurrences dans le manuscrit: il labourait par ensemble avec lui
(p. 13) et Il fit aussi l’acquisition d’un disque par ensemble avec Jn Pierre et Maurice
(p. 15). On trouve cette locution en savoyard dans l’expression fâre pèr ansanblo signifiant travailler en commun, œuvrer ensemble
(Viret, 2016: 1080). Si les régionalismes sont pratiquement absents dans le texte de Picton, cela ne veut pas dire pour autant que ce dernier n’en utilisait pas dans la sphère privée et qu’il ne parlait pas le savoyard avec sa famille23 et ses compatriotes. Mais cette pratique, si elle a existé, n’a probablement pas résisté à la nécessaire acculturation linguistique qu’imposaient l’intégration dans un nouveau milieu de vie et les contacts avec d’autres groupes linguistiques et des immigrants français de différentes régions. Thérèse Augert, fille d’immigrants originaires de Fontcouverte, village voisin de Jarrier, arrivée à Notre-Dame-de-Lourdes en 1910 (Donze, 1992: 366), raconte que ses parents parlaient leur patois entre eux
, au dire de ses sœurs aînées. Toutefois, ils avaient pas mal perdu l’habitude
de le parler alors que Thérèse, née en 1929, grandissait (Entrevue avec Robert et Thérèse [Augert] Deroche, 2008).
Le fait que Picton emploie essentiellement un français non marqué régionalement dans son manuscrit reflète d’abord l’association étroite entre cette langue et l’écrit. Par ailleurs, en utilisant un français commun, il assure une plus grande pérennité et une plus large diffusion à son texte. Enfin, les régionalismes du patois savoyard présents dans le français parlé en Savoie décrivent surtout l’environnement alpin, les pratiques domestiques et les activités pastorales en montagne (Tuaillon, 1991). Le récit entrepris par Picton ne touche pas à ces domaines de l’expérience et, même dans la partie du texte où il décrit ses activités agricoles au Canada, il reproduit le lexique de la langue commune qu’il doit employer sur le terrain avec les francophones du Manitoba.
Quant à l’anglais, Picton ne le comprenait pas à son arrivée au Canada (p. 20-21). Le recensement de 1916 nous apprend que ses enfants âgés de 8 ans et plus peuvent s’exprimer en anglais, alors que leurs parents ne le parlent toujours pas. Dans le recensement de 1921, Jean-Louis déclare par contre parler anglais, mais pas son épouse. Dans le manuscrit lui-même, les mots anglais sont rares et ne figurent que dans la deuxième partie du récit. On peut noter les six termes suivants: “Trake”
(track, printemps 1905, p. 22), accompagné de la forme voie ferrée
ajoutée au-dessus, jobe
(job, été 1905, p. 23), qui est barré dans le texte et remplacé par entreprise
, les sleigts
(sleigh, traineau
, hiver 1907-1908, p. 26), stook
( moyette
ou meulette
, automne 1911, p. 34), Engin
(probablement (steam) engine, machine ou engin (tracteur) à vapeur
, automne 1911, p. 34) et binder
( lieuse
, automne 1912, p. 38). Ajoutons à cette liste disque
(p. 15) au sens de [p]ulvériseur; machine agricole servant à la réduction des mottes de terre en fines parcelles
(Gaborieau, 1990: 323). Il est intéressant de noter que la plupart de ces termes sont orthographiés approximativement, ce qui révèle vraisemblablement leur apprentissage exclusivement oral. Par ailleurs, alors que le premier terme, “Trake”
, est marqué par l’usage de guillemets et que le deuxième, jobe
, est biffé, et que tous deux sont accompagnés de leur équivalent français, les quatre mots suivants sont employés sans aucune marque. On peut sans doute y voir la confirmation que Picton a écrit son récit à la manière d’un journal saisonnier: alors qu’il vient d’arriver et qu’il s’acclimate encore au contexte linguistique de son nouveau pays, où le lexique anglais s’intègre à certains domaines de la vie, l’emploi de termes anglais ne lui est plus étranger au fil des années.
Choix éditoriaux
Le manuscrit de Picton (version 1) présente des marques de révision et plusieurs corrections, orthographiques et stylistiques, et précisions y ont été apportées. Il est difficile de savoir qui a fait ce travail de relecture et de correction. Il s’agit peut-être de Picton lui-même ou encore de son fils aîné, Pierre, prêtre et passionné d’histoire et de généalogie. Il pourrait aussi s’agir de ses petits-fils, Robert et Georges, qui ont conservé le texte et en ont donné une copie à la Société historique de Saint-Boniface. J’ai intégré ces corrections et précisions apportées au texte à la version publiée ici. Dans un seul cas, la version 2 du manuscrit a été utilisée pour déchiffrer un mot abîmé sur le texte de la version 1. Par ailleurs, afin de rendre la lecture du texte plus fluide, j’ai décidé de rétablir les diacritiques manquants dans le texte (accents, trémas et cédilles). J’ai également revu la ponctuation (ajout de quelques virgules, remplacement de certaines virgules ou points-virgules par des points) ainsi que les majuscules à l’initiale des phrases. En revanche, afin de ne pas trop dénaturer le texte d’origine, je n’ai pas rétabli les traits d’union absents et j’ai conservé les erreurs orthographiques (existance, suprimé, partames) et d’accord résiduelles (une entreprise nouvelles, des renseignement favorables, je faisait) ainsi que les rares cas de soudure (singéniait, cest-à-dire, quil) ou de sur-segmentation (qu’el ou qu el) qui émaillent le texte. Concernant la mise en page, elle suit en partie celle du manuscrit. Par exemple, le titre de la page de couverture est centré, de même que celui de la préface et du début du récit, et il est en majuscules. En revanche, seuls les retours à la ligne indiquant un nouveau paragraphe ou un changement de page sont respectés.
Le texte présenté ici comprend l’intégralité des 22 premières pages, sur un total de 40, du manuscrit (version 1). Après une préface lui permettant de contextualiser son récit et ses objectifs d’écriture, Picton raconte son projet de migration, les préparatifs de départ et l’arrivée de sa famille au Manitoba. Le récit couvre une période d’une année et demie, du mois de février 1904 au mois d’août 1905. Je présente ensuite quelques extraits choisis du manuscrit afin d’illustrer les principaux sujets qu’il aborde pour décrire ses premières années au Manitoba. Cette partie du récit présentant une certaine monotonie et un moindre intérêt au niveau narratif, il ne m’a pas semblé nécessaire d’en reproduire l’intégralité. À l’occasion, des notes apportent des explications ponctuelles supplémentaires.
[Page 1, couverture]24
MÉMOIRE D’UNE ÉMIGRATION
par Jean-Louis Picton.
Journal d’un émigré de Jarrier, Savoie, France, colon-pionnier à Saint-Denis de Haywood, Man. 1904-1913
[Page 2]
Préface de l’auteur
L’émigration qui prit en 1904 une certaine importance fut décidée, à la suite des événements politiques, et par les soucis de la recherche d’une existance meilleure, plus confortable.
Le pays bouleversé par les théories d’hommes inconscient et ambitieux, et par la persécution religieuse qui mettaient les citoyens en suspicion, vis à vis des pouvoirs publics et des comités dits
Républicains, rendait la vie sociale presque insupportable. L’enseignement religieux qui nous était un précieux auxiliaire pour l’éducation de nos enfants, était suprimé depuis longtemps de nos écoles. L’enseignement libre congréganiste créé après cela au prix d’efforts inouïs était un palliatif précieux à la situation précédente, pour ceux qui voulaient l’employer, fut suprimé à son tour en 190325. Les congrégations chassées et leur bien liquidé, une entreprise nouvelles de ce genre devenait impossible. Soucieux de l’éducation de nos petits enfants, n[ous]26 décidâmes de transporter notre existance sou[s un] ciel plus libéral.D’autre part l’agriculture chargée d’[abîmé]27
[Page 3] par toutes sortes de mesures fiscales, la terre épuisée ne rendait qu’à force d’enfouissement de fumier et d’engrais de toutes sortes. Le cultivateur peinait depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin, singéniait de mille façons pour trouver un bénéfice rémunérateur et après cela joignait-il les deux bouts ? Bien souvent non. Les familles nombreuses étaient obligées d’envoyer gagner le pain à leurs enfants chez des patrons souvent indifférents des pratiques religieuses et de l’éducation des jeunes sujets confiés à leurs soins. Souvent ces jeunes gens rentraient-ils au foyer paternel possédant des vices contre lesquels l’énergie paternelle ne pouvait plus rien.
Au milieu de tant de misères morales et d’infortunes beaucoup de nos compatriotes, instruits qu’il existait un ciel plus clément et un terrain moins ingrat à l’effort du travailleur, plus rémunérateurs, moins difficile d’exploitation, se décidèrent à passer l’océan et aller s’établir en Amérique, dans l’ancienne colonie française qui s’appelle le Canada. La liberté y existant dans de plus larges mesures, la liberté religieuse, la plus importante de toute pour des catholiques, y était respectée. Cette liberté qu’on feignait de nous refuser dans notre patrie qui s’appelait la France, que nous quittions le cœur gros, emportant le souvenir des péripéties de notre joyeuse
[Page 4] jeunesse, regrettant quelques proches parents que le souvenir de leur bienveillance, et de leur amabilité nous fit couler les larmes.
Malgré tout cela nous nous rendîmes au Canada, à Haywood, où Alexis y avait acheté une terre et érigé une maison pour nous recevoir.
Cette grave décision fut prise, à la suite de plusieurs entrevues que nous avons eu avec notre ami Fay Maurice qui venait du Canada, après y avoir habité 10 ans d’une existence confortable. Il ne nous y encouragea pas mais nous fûmes assez intelligents pour comprendre les avantages que le pays possédait après qu’il nous fit plusieurs récits. Nous résolûmes d’envoyer Alexis en éclaireur, pour sonder le pays. Celui-ci nous donna des renseignement favorables et nous partames le 8 Mai 1905.
Ce manuscrit écrit par moi sera, je l’espère, conservé par mes descendants, à titre d’histoire de notre émigration et, selon mon désir, je recommande de ne jamais le détruire, le conserver avec soin, le faire passer de postérité en postérité. Nos petits fils sauront par le présent de qu’el pays d’origine ils viennent. J’espère, et même je recommande de conserver les traditions de la famille, le caractère Savoyard, qui n’est nullement incompatible avec toute idée de progrès.
JLPicton28
[Page 5]
Mémoire d’une émigration
Début du projet – Arrivée de Mr29 Fay Maurice
La nouvelle de l’arrivée du Canada de notre ami Fay se répandit dans la commune comme une traînée de poudre. Cette arrivée surprit beaucoup de gens, car Mr Fay était considéré comme ayant quitté Jarrier pour toujours. Tous les regards étaient tournés vers lui, chacun était heureux de lui demander de ses nouvelles et de son pays adoptif, cest-à-dire du Canada.
1re entrevue avec Mce Fay30
Quelques jours après son arrivée, nous eûmes l’honneur de sa visite une soirée, et le temps nous parut court quoique nous fûmes en conversations au moins pendant cinq heures. Il nous fit le récit de ses angoisses comme de ses joies, des peines qu’il eut à surmonter comme des succès qu’il eut le bonheur d’apprécier. Il nous fit aussi la description du Canada, de ses avantages et de ses désagréments, et après avoir balancé en nous-même le bon et le mauvais côté, le bon l’emporta. Nous considérâmes aussi qu’en Maurienne et à Jarrier en particulier, les désagréments l’emportaient presque toujours sur les avantages, et que le Canada offrait beaucoup d’avantages, tant
[Page 6] au point de vue de la production agricole et de l’application des nouveaux outils perfectionnés, qu’au point de vue politique, la liberté de conscience y était observée, la liberté d’enseignement aussi. Et pour un père chargé de famille, désireux d’élever ses enfants chrétiennement, ces avantages n’étaient pas à dédaigner. Comme conclusion de cette première causerie, nous prîmes la décision d’aller habiter le Canada. Nous élaborâmes notre proget dans ses grandes lignes, sans autres décisions. La conversation se termina assez tard, nous en conservâmes un bon souvenir et nous nous donnions rendez vous à autre soir peu éloigné.
2me entrevue avec Mce Fay
Un jour, j’étais allé visiter la famille comme je faisait d’habitude toutes les semaines deux ou trois fois. J’étais couché sur le lit de mon beau père. On frappe à la porte, après l’invitation de rentrer faite. Je vis la silhouette de notre ami Fay, qui venait pour se faire faire la perruque – c’est-à-dire couper les cheveux. J’en étais surpris, mais qu’el plaisir de le voir et de lui donner une cordiale poignée de main: car j’avais en présence de moi un ancien condisciple d’école. Après les salutations d’usage, la conversation tourna aussitôt sur les
[Page 7] affaires du Canada. J’avais une idée très indécise, plutôt froide de ce pays. Aussi je ne ménageais pas les questions à l’ami Fay, qui me répondait avec précision et affirmativement sur les avantages. En homme prudent, il ne nous donna aucun encouragement; mais ses réponses et ses discours empreints d’une franchise et d’une précision irréprochables finirent bientôt par avoir raison de mon indécision et de ma froideur, et je jugeais moi-même qu’il y avait grand avantage, pour qui était chargé de famille d’aller m’établir en Canada. L’emploi de facteur des Postes et Télégraphes que j’exerçais à St Julien de Maurienne ne me chagrinait nullement de le quitter. Mes appointements étaient trop minimes pour pouvoir y entrenir une famille; car je n’était rétribué que de 700 francs par an.
Mon beau frère Alexis, qui avait eu plusieurs fois l’occasion de causer avec l’ami Fay, fut cette fois-ci décidé à partir pour le Canada à la première caravane qui prendrait cette direction. Malgrés quelques observations sur notre situation, il tint sa décision pour bonne. Les heures s’écoulaient, et le moment du souper arrivait. Nous désirâmes retenir notre ami à souper: mais il ne voulut rien
[Page 8] accepter; sur ces entrefaites notre voisin et ami Dompnier Michel entra chez nous et la conversation reprit sur le même sujet pendant une heure après quoi l’ami Fay prit congé de nous.
Pendant le souper, nous faisions le commentaire des choses que nous venions d’entendre, plusieurs échanges de vue furent fait en présence de toute la famille. Nous tombâmes tous d’acord à reconnaître la supériorité de situation que nous pourrions conquérir31 au Canada. De là nous décidions en principe de partir. Nous dressâmes notre projet, un plus précis que le premier. Une seule chose mettait entrave à notre résolution, c’était la ferme de la fabrique que nous tenions par un bail: il fallait pour nous en débarrasser obtenir la résiliation du bail, ou trouver un sous bailleur. Cette question nous donnat beaucoup de soucis pour y arriver.
Alexis chargé d’aller étudier le pays et rechercher un lot
Alexis fut chargé d’aller étudier le pays, ses habitudes, ses méthodes de culture, se rendre compte de l’exactitude des faits et acheter le terrain et préparer l’installation. Après avoir pris ses résolutions nous allions nous reposer.
Il fallait en porter la nouvelle à Mr Fay. Nous lui fîmes faire la commission de venir passer la veillée
[Page 9] à Hiruil32. Sur son passage, il s’arrêta chez le voisin et ami Dompnier Michel. Nous nous rendîmes chez lui: cela se passait dans le mois de Février 1904. Après quelques discours sur le Canada, nous déclarâmes que nous étions décidé à partir. Mr Fay en fut enchanté, et nous félicita de notre carractère énergique et courageux. Mon cousin Maurice et ses deux fils, nous honorèrent aussi de leur présence et firent comme nous, déclarant vouloir émigrer et déléguèrent l’aîné des fils, Jean Pierre33, pour aller explorer le pays avec Alexis, et se mettre au courant des usages Canadiens et préparer l’installation.
Le départ fut décidé au printemps, c’est-à-dire vers la fin Avril et nous nous séparâmes tous enchantés de nos projets.
Préparatifs de départ d’Alexis
Il ne restait plus que les préparatifs de départ d’Alexis. J’eus deux jours de congé à l’occasion de la naissance d’Anaïs le 11 avril 1904. J’en profitai pour faire une caisse-malle pour bagages que mon beau-frère devait emporter. Après cela il fallut attendre les réponses et instructions des Cies Maritimes relatives au départ des paquebots. Elles arrivèrent bientôt et le départ fut fixé au 25 Avril 1904. Chacun des
[Page 10] émigrants désiraient emporter un souvenir de Jarrier. Ils décidèrent de faire photographier le groupe de partants qui se composait des familles Fay Maurice et sa femme Joséphine, sa fille Victorine, son fils Emile, et son 3m fils Jean; Pierre Antoine Fay, sa femme Sophie, sa fille Louise, ses fils J Pierre, Marcel, Auguste, Eugène ;
Pierre Gaden, sa femme Catherine, ses filles Silvie, Florentine, Victorine, Delphine, Sophie, ses fils Antoine et Joseph, et les nommés Chappellaz Fois34, Picton J Pierre, Gaden Fois, Déquier J Bte et Déquier Alexis, mon beau frère. Mr le curé Guille en photographiste de goût se met à leur disposition et le groupe fut photographié dans la cour de la cure le 24 Avril qu’il ne reverront peut-être plus.
Avant de partir, chacun voulut mettre son âme en état en prévision d’une catastrophe éventuelle qu’un si long voyage peut réserver. Une messe fut célébrée dans l’Église paroissiale de Jarrier à l’occasion du départ et chacun put, dans le plus profond secret de son cœur, faire ses adieux à cette église qui les a contenus, à leur baptême, à leur confirmation, à leur communion, à plusieurs à leur mariage et peut être ne les verra plus à leur mort. Après la messe toute la caravane se dirigea vers
[Page 11] St Jean de Maurienne et de là à la gare pour faire l’étiquetage de leurs collis, prendre leurs billets et attendre l’arrivée du train qui arriva à 6 heures 30 soir. Toute la caravane se dirigea vers le train, chacun accompagné de ses parents venus pour leur tenir compagnie. Les embrassades se firent de tout cœur et l’on vit bien des larmes couler songeant à l’incertitude d’un si long voyage. Un incident se produisit à l’heure du départ du train, on s’apperçut que le fils de Pierre Gaden, Antoine n’était pas sur le train, tous étaient confus. Le chef de gare, un brave homme à qui nous avons adressé nos remerciements, ne fit pas partir de train, et le jeune homme put arriver à temps pour partir avec ses compatriotes. La locomotive siffla aussitôt et le train s’ébranla; nous saluions une dernière fois nos compatriotes et nous nous retirions, décidés à aller les réjoindre au plutôt si les nouvelles que nos délégués nous enverraient seraient bonnes.
Figure 10Famille de Marie-Martin Déquier, vers 1888
Société historique de Saint-Boniface, Fonds Famille Jean-Louis Picton et Sophie-Louise Picton (née Déquier), SHSB 10801.
Première lettre d’Alexis
La première lettre d’Alexis nous parvint le 30 Mai 1904; elle était datée du 16 Mai, lendemain de leur arrivée à Québec. Elle nous apporta la nouvelle que la traversée fut bonne, et que les Jarriens nouveaux Canadiens jouissaient tous d’une exellante
[Page 12] santé. Cependant, cette lettre ne donnait pas de nouvelles du Canada, pas même de Québec leur port de débarquement. Il n’avait pas encore eu le temps de la visiter. Il nous disait que Pierre Gaden avait loué trois de ses filles35 pour 50 fr par mois.
2me lettre d’Alexis36
Celle-ci se fit attendre assez longtemps. Nous commencions à languir d’une si longue attente. Enfin le 18 Juillet dans la matinée, pendant que nous étions entrain de labourer pour semer des graines de raves, le facteur Duverney nous apporta une lettre venant du Canada. Plus de doute c’était celle que nous désirions. Avec quel empressement nous l’avons ouverte. La première chose qui nous réjouit, c’est que tout le monde se portait bien et Alexis principalement. Elle nous annonça aussi que nous étions propriétaires en Canada. Alexis avait passé marché avec la Cie de Baye d’Hudson37 d’une ferme de 64 Hectares sur le territoire d’Haywood et confiné par les fermes de Maurice Fay et Mce Picton38 pour la somme de 5 600 fr. Alexis nous dit que la ferme présentait un bel avenir moyennant travail, économie et industrie. À son appréciation elle pouvait nourrir 15 à 20 bêtes à corne, séance tenante. Il nous dit qu’il avait eu du souci et
[Page 13] beaucoup voyagé, mais il avait trouvé bon accueil partout auprès des colons Canadiens. Ceux-ci se faisaient un plaisir de lui rendre service. C’est ainsi qu’un Canadien d’origine Auvergnate se mit à la disposition des émigrants avec cheval et voiture pour parcourir la campagne du beau et bon terrain. Pour nous la question de la ferme d’Hyruil était épineuse d’autant plus que nous en étions plus occupés depuis le départ d’Alexis.
3me lettre d’Alexis
La 3me lettre se fit moins attendre que la précédente. Nous la reçûmes le 29 Août, elle était datée du 15 même mois. Elle nous apporta beaucoup de nouvelles plus précises que les précédentes, cela se comprenait, il se faisait aux habitudes du pays. Mon beau frère me disait qu’il avait acheté un bœuf et demi c’est-à-dire 3 bœuf entre lui et Jn Pierre Picton pour la somme de 1335 fr et qu’il labourait par ensemble avec lui. Une quarantaine de quartelées39 ou (1 Hect ½) étaient en défriché prêt à être ensemencé au printemps prochain. Il se proposait d’y ériger une maison avant l’hiver. Il nous disait aussi pour faire part à Claude Dompnier qu’il y avait beaucoup de gibier, surtout, des poules, des lapins, des Canards, etc… et nous engagea sérieusement à aller le rejoindre à Haywood.
[Page 14] Le 12 7 bre je lui envoyai la somme de 400 fr pour l’aider dans ses pénibles projets, et lui donnais l’assurance que nous le rejoindrions au printemps.
Il s’agissait maintenant de trouver la somme nécessaire pour les frais de voyage et payer la ferme du Canada. Après un conseil tenu en famille, le père déclara quil vendrait sa propriété d’Hyruil et même celle de Bordet40 et les vignes. Avec le produit de cette vente nous serions assuré de couvrir tous nos frais, payer et garnir la ferme d’Haywood, par ce moyen en tirer un profit plus grand et plus tôt.
4me lettre d’Alexis
Confirmation des bonnes nouvelles données dans les lettres précédentes. Il nous annonça que tous allaient bien et qu’il avait fait la moisson pour des colons voisins. Il se rendit compte de la fertilité du terrain et de la possibilité de réaliser quelques affaires moyennant travail. Il se rendit compte aussi de la journée qu’un ouvrier de campagne pouvait gagner. Il nous dit qu’il avait été, à la journée, battre le blé, qu’on l’avait payé 7f.50 par jour, et qu’il avait promis de travailler une semaine pour arracher des pommes de terre toujours au même prix.
5me lettre d’Alexis
[Page 15] Reçue le 6 Xbre 1904, toujours de bonnes nouvelles annoncées. Il nous raconta qu’il avait été à Ratwel41, ancien lieu de résidence de Mce Fay, pour toucher les 400 fr que je lui avait envoyé antérieurement. Il eut l’avantage de voir Victor la Ferdinande42, un compatriote de la commune de Fontcouverte, établi au Canada depuis 1893. Avec qu el enchantement ils ont dû se serrer la main. Là-dessus il en profita pour l’inviter (lui qui était un bon chasseur) à choisir un bon fusil de chasse qu’il paya 55 fr 43. A l’essai, il brûla 3 cartouches, qui lui valurent 3 gibiers. C’était encourageant surtout pour un chasseur improvisé. Il me donna des nouvelles précises sur la température. Le thermomètre oscillait entre 13 et 20 ‘44 de chaleur, pendant le mois d’octobre jusqu’au 19 9 bre. En général l’automne était beau, et même un des rares dans ce genre. On eut dit qu’il se passait ainsi afin de ne pas effrayer les nouveaux colons. Il nous invita à emporter tout notre linge, et plusieurs outils de menuiserie. Les occupations se portaient à couper du bois pour la construction de la maison et qu’il pensait la bâtir dans le courant de l’hiver. Il fit aussi l’acquisition d’un disque par ensemble avec Jn Pierre et Maurice et l’avait payé 190 fr. Nous, de notre côté, nous
[Page 16] nous occupions à passer des marchés pour la vente du bien.
Figure 11Maison de Jean-Louis Picton construite en 1910
Tiré de Haywood history, 1907-2007 (2007), Denise De Rocquigny, Dorothée Dequier, Haywood History Committee, p. 308.
Figure 12Cummins Manitoba rural directory maps, 1923, p. 28
Bibliothèque de l’Université de l’Alberta, N029903.
Vente de la ferme de Bordet
Quelques acquéreurs, se présentèrent pour la ferme de Bordet, entre autre, Auguste Gaden, Etienne Grange et Déquier Etienne de Michel. Après quelques pourparlers pendant lesquels il fut débattu le prix, nous tombâmes d’accord pour la vente aux prix de 5 500 fr avec Etienne Déquier de Michel. Depuis les terres de Bordet furent vendues. L’acte de vente fut passé devant Mtre Montmasson notaire à St Jean de Mne. Nous fîmes en outre, une vente publique des menus articles de travail et de ménage, un dimanche après vêpres.
Partage du bien de mon père
Mon père déjà fort âgé, et cédant aux instances de mes frères et sœurs, se décida à faire lui-même le partage de son bien, afin d’éviter tout embroglio et même l’impossibilité de partager après sa mort en cas de décès d’un membre de sa famille, père d’enfants mineurs. Nous nous réunîmes donc tous, moi, Elie, Sophie, Brigitte et Marie, à la maison paternelle du Plano, et nous fîmes le partage. Chacun reçut sa part, le père se garda sa disponible. Je vendis ma part, une partie à Brigitte, comportant la moitié de la montagne
[Page 17] des Chambeaux, comprenant, le chalet et les prairies pâturages attenant au bâtiment; une part à Elie comprenant les terres de la Vardaz, du Clou et d’autres parcelles; une part à Sophie, comprenant les parcelles de: Les Fontaines Flammier et la Colombiere d’en bas, et l’autre part à Pierre, mon beau frère, comprenant, une parcelle à la Jargne.
L’acte de partage fut passé devant Mtre Frasson Goret, notaire à St Jean de Mne, et les autres actes de vente furent des Sous-Seing privés. Je partait de Jarrier avec la somme de 1 800 fr.
Préparatif de départ
Ensuite vint les préparatifs de départ. Nous entrâmes en correspondance avec la Cie maritime Hernu-Péron45. Après que nous eûmes reçu toutes les instructions et les prix concernant le voyage, nous leur envoyâmes le montant et le départ fut fixé au 8 Mai 1905. Le dernier dimanche passé à Jarrier fut consacré à la visite, des parents et amis. Il est évidant que les visites furent touchantes car ce fut les dernières pour plusieurs.
Le Départ
Enfin le départ vint. Une Messe fut dite en l’Église paroissiale, le matin même du départ: là, on évoqua bien des souvenirs, la baptême, la confirmation, la communion, le mariage.
[Page 18] Tous nous avions passé là, hélas ! le cœur se serre à la pensée que peut-être nous ne reverrions plus cette Église qui a vu disparaître un grand nombre de nos parents; cette Église qui a été le berceau de notre éducation chrétienne et catholique, et qui servit d’enceinte à l’édification de notre jeunesse et par les instructions et les exemples de nos pasteurs fit de nous tous des croyants et fervents catholiques.
Cette Église qui recevra pour la dernière fois les restes mortel de nos parents et amis qui resteront continuer les traditions de famille. À ces considérat[ions] le cœur s’émut, nous adressâmes un dernier adieu à cette Église, au pasteur, à l’école et à tous les parents et amis et à la population de Jarrier.
L’heure vint de partir, à la dernière heure tout s’encombre; mais néanmoins, nous fûmes aidé par Michel Dompnier, le parrain de Louise, Pierre de l’oncle Joseph, Brigitte Chappellaz, la tante Marie et qui nous accompagnèrent jusqu’à gare. En route ? Nous partîmes de Jarrier à 11 heures de matin, et le train qui devait nous emmener passait à 6 heures du soir à St Jean. Nous fîmes quelques emplètes à St Jean et nous nous dirigeâmes à la gare pour attendre le train. Là nous reçûmes
[Page 19] la visite de Mr l’abbé Vallet notre compatriote, de Mr Ducruez, marchand de fer, de Grégoire Gaden et sa femme, Mr Favier maire de St Julien de Mne, lequel nous offrit un rafraîchissement au café de la Gare. Le train arriva et tous nous montons. Un dernier et sublime adieu à nos amis, venus pour nous accompagner, et le train se met en marche.
Figure 13 To Canada
, affiche de la White Star Dominion Line vers 1920
J Weiner Ltd. Reproduit avec l’aimable autorisation des National Museums Liverpool & Merseyside Maritime Museum, MMM.2006.83.
Le voyage
Le voyage de St Jean à Paris se fit sans accident. Nous fûmes reçu à la gare de Lyon par le chef de bureau, qui nous conduisit à son bureau avec tous nos bagages et, de là, à la Gare St Lazare. Là nous y passâmes la journée, pour attendre le départ du train à 9h heure du soir pour Dieppe. Arrivés à Dieppe, nous prîmes le bateau de suite pour traverser la Manche et nous débarquâmes à Newhaven à 6 heures du matin. Immédiatement après la visite de la douane qui ne fut que sommaire, nous prenons le train de nouveau pour Liverpool.
Figure 14Le S.S. Canada en 1926
BAC, Dept. of Mines and Resources, PA-021365.
L’embarquement
Arrivés en cette ville, nous y fûmes reçu à la gare par les agents de la Dominion Line Co 46 qui nous conduisirent à l’hôtel de la Cie pour y manger et coucher.
Le lendemain matin, la Cie nous conduisit au port pour prendre le bateau
le Canada, de 11 000 tonnes, et le départ[Page 20] eut lieu à 11 heures du matin.
La traversée
Les deux premiers jours de traversée furent calmes. Les 3me et 4me et 5me jours, la mer fut mauvaise et presque tous les passagers prirent le mal de mer. Les plus éprouvés des nôtres furent, Louise, Angèle, Sophie Déquier fme Chappelaz, Pierre Antoine Chappelaz, Mme Picton Maurice; tous les autres n’éprouvèrent qu’un malaise passager. Moi, pour ma part, je n’ai éprouvé aucun malaise, chose à laquelle je ne m’attendais pas. Le personnel du bateau se montra courtois à notre égard et nous n’avons que des éloges à leur adresser pour leurs bons soins; enfin la traversée se fit sans incidents ni accidents. Je n’ai pu recueillir aucune remarque particulière en cours de traversée.
Figure 15Liste de passagers du S.S. Canada arrivant à Québec et Montréal le 20 mai 1905
The National Archives of the UK (TNA), bt27_0461_00_0014_p_0018.
Le Débarquement
Le 20 Mai nous débarquâmes à Québec. Il nous sembla d’être rentré en France quand nous trouvâmes les laitiers du pays, venant vendre leur lait, qui ne valait pas cher, aux passagers; et ma foi c’était en langue Française qu’ils nous faisaient l’article. Autant que leur lait nous déplut autant nous appréciâmes le parler Français, car quel contraste avec pendant les 10 jours de traversée au milieu des Anglais et d’autres types de nationalité différente, dont nous ne pouvions comprendre un traître mot. La nuit fut passée tant bien que mal à la maison
[Page 21] d’émigration, et le matin nous prîmes le train à 11h du matin pour Winnipeg, c’était le dimanche.
Figure 16Vue sur le fleuve devant le marché Champlain et le port de Québec, 1897
Fred C. Würtele. BANQ-Québec, Fonds Fred C. Würtele, P546,D1,P20.
Le trajet
Nous fîmes le trajet, sans accident et sans observation particulière, brisés par la fatigue, nous avions hâte d’arriver.
Winnipeg
Arrivés à Winnipeg nous y fûmes rejoints par Mce Fay dans la salle d’attente. C’est avec le plus grand plaisir que nous lui avons serré la main; car nous commencions à être désorientés au milieu d’une ville où l’on ne parle que l’Anglais. L’on se voit souvent adresser la parole pour n’y rien comprendre, et ma foi, ça commençait à devenir embêtant.
Figure 17Immigrants arrivant à la gare de Winnipeg vers 1909
Canadian Pacific Railway Company. Musée McCord Stewart, M6445.1.
Haywood
Enfin, le train qui devait nous conduire à Haywood, partit bientôt; nous montons en wagons, et en route pour Haywood, la grande ville qui comptait pour ses quartiers les plus populeux, les prairies, et les bosquets de bois. Nous descendons du train et nous fîmes le trajet d’Haywood chez Mce Fay à pied, ceci à cause d’un retard de distribution de télégramme, ou par mauvaise foi du distributeur, qui ne prévint pas à temps Alexis et Jn Pierre. À 100 mètres de la gare nous furent rejoints par Victorine Fay venue pour s’assurer de notre arrivée; et aussitôt que les embrassades furent terminées, elle retourna au
[Page 22] triple galop de la zozote47 prévenir Alexis et Jn Pierre qui vinrent nous rejoindre avec wagons attelés des bœufs sur la
Trake48au Nord Est de la Maison Dubois. Alexis laissa les bœufs et courut au devant de nous pour nous embrasser; nous nous embrassâmes avec joie.L’arrivée
Enfin tout de même nous étions arrivés, un grand soupir de soulagement s’exhala de toutes les poitrines, tous contents de prendre un repos de quelques jours, après les fatigues de 15 jours de voyage. Notre maison n’était pas achevée, les planches pour la toiture étaient commandées; mais l’expédition subissait du retard par suite de l’encombrement des commandes à cette époque de l’année. Enfin elles arrivèrent tout de même. Aussitôt nous mîmes la main à l’œuvre et le tout fut achevé tant bien que mal au bout de deux jours. Ce n’était pas confortable; mais c’était abritable. Nous allions donc habiter chez nous 15 jours après notre arrivée. Pendant ce temps, Mce Fay nous offrit l’hospitalité. Tout n’était pas gai en ce temps là. L’eau remplissait les marais, et il était difficile de circuler à pied sans se mouiller jusqu’au genoux; malgré cela nous ne nous ennuyons pas.
Chez nous
Quand nous fûmes abrités, nous nous occupâmes activement à débroussailler du terrain, en vue du cassage. Nous commençâmes de casser avec les bœufs le 2 Juillet
[Page 23] et nous contuâmes jusqu’au 8 août; nous avions à cette date 25 acres de cassage.
La suite du récit s’organise selon les saisons et met en évidence les principales préoccupations de Picton lors de ses premières années à Haywood. Ces préoccupations sont liées aux événements entourant les activités agricoles et leur rendement et aux soucis financiers que rencontrent les cultivateurs. C’est ainsi qu’à l’automne 1907 Picton constate:
Figure 18Photographie d’une machine agricole à vapeur dans un champ appartenant probablement aux Champagne, 1920
Centre du patrimoine – Société historique de Saint-Boniface, fonds Alida Laporte Gendreau et Claire Gendreau Bartmanovich, SHSB30817.
engin, steam engine ou machine agricole à vapeur, prise lors des récoltes à Somerset, dans la région de la Montagne Pembina.
Les battages se firent tard, et presque point de labour ne furent fait à l’arrivée de l’hiver. Depuis le 1r Novembre le blé baissat de prix par suite de plusieur Crash de banque que eurent lieu en les Etats Unis et qui eurent leur rententissement jusqu’en Canada, ce qui gêna beaucoup les affaires à tel point que les banques canadiennes ne consentirent plus à prêter aucun argent49. Par ce fait la situation devint très tendue (p. 26).
Les conditions météorologiques, dont l’influence peut être considérable sur les récoltes, constituent une part importante du récit. Invariablement, l’hiver s’annonce par une tempête et le printemps par l’arrivée des corbeaux; Picton note également avec exactitude la date de ces débuts de saison:
L’hiver arriva le 12 Nov. par une tempête venant de l’Est, avec telle rapidité, et grande quantité de neige que le lendemain le sol en fut recouvert de deux pieds et plus; depuis ce jour l’hiver fut rigoureux sous tous les points, grand froid, chutes de neiges souvent répétées jusqu’en Mars (p. 24).
En 1907 le printemps fut salué par l’arrivée des corbeaux le 21 Mars. Ces pauvres oiseaux ont dû subir un second hiver, tout le printemps fut dur, froid; tempête avec neige se succédant (p. 24-25).
Intempéries et ennuis mécaniques gênent le bon déroulement des récoltes et l’entraide entre cultivateurs de Haywood est souvent nécessaire:
Les battages commencèrent avec la machine de Harisson, un Anglais du Sud de Haywood, et on aurait cru que les machines elle même se mettaient de travers; car se fut de piteux battages. Embêté par le temps mauvais; arrêté par la casse de la Machine. Quand ce n’était pas le séparateur c’était l’Engin. Enfin il y en avait toujours un qui était à l’infirmerie. Nous avons dû battre le jour de la Toussaint, contrairement à notre habitude et malgré cela la pauvre machine ne fut pas capable de battre toute notre récolte. Nous fûmes obligé pour faire tous nos battages d avoir recour à la Machine de Mr Gautron50 pour finir. Le dernier jour de battages fut une lutte contre la tempête à savoir qui aura ce qui nous restait de la récolte, elle ou nous, ce fut nous. Mais nous avons été obligé d avoir de l’aide des voisins et battre quand même avec le vent et la neige pour achever ceci (p. 34-35).
Parmi les événements extérieurs aux activités agricoles sont mentionnés le décès de celle que Picton appelle notre mère51
, la naissance de deux des filles du couple Picton, Jeanne, née un 8 décembre (1909), jour de l’Immaculée Conception (p. 29), et Cécile en juillet 1912 (p. 37-38). Picton prend aussi le soin de noter le noms des parrains et des marraines de ses deux filles. Il relate la construction de l’église paroissiale, sa bénédiction et la venue de l’archevêque de Saint-Boniface au cours de l’été 1909:
Ce fut cet été que nous pûmes avec le concours de la population construire notre Eglise. Une souscription fut ouverte et produisit 270 piastres. Avec cette somme nous mîmes la main à l’œuvre et elle fut prête à recevoir la première messe qui fut suivie de la bénédiction de la 1re pierre par Mr le Curé M. Pierquin52. Continuée ensuite elle fut achevée à l’extérieur et le 1re messe fut célébrée dans l’Eglise le 11 Juillet 190853.
Le 11 Août Monseigneur Langevin54 vint pour administrer le Sacrement de Confirmation aux Enfants d’Haywood nombreux de 22 confirmants.
Nous souscrivirent pour la somme de 30 dollars, ainsi que plusieurs autres (p. 27-28).
Le récit reste très généralement centré sur les événements locaux, mais Picton mentionne toutefois le passage de la comète de Halley qui provoqua une agitation mondiale:
L’iver 1910 s’en vint assez de bonne heure. Depuis le 1er Novembre les labours se firent que par moment dans la journée. La neige tomba en quantité moyenne. Le froid fut pas trop dur, excepté pendant quelques [sic] en Nov. et Janvier et même pendant une bonne période de ce moi le temps fut magnifique. Soir clair, ce qui nous permettait de contempler la comette venue à l’insu des astronommes car elle fut nommée (La comette 1910).
Mais les savants ne se laissèrent pas dérouter par le comette de Halley qui fut annoncée longtemps en avance et celle-ci fut visible en Avril (p. 32).
Le manuscrit s’achève abruptement par l’évocation de la messe de minuit de décembre 1912 et, si le récit de Picton comporte une préface, il ne présente aucune clôture:
Décembre fut bien supportable. Messe de Minuit à Haywood par un temps idéal. Beau clair de lune, température d’une remarquable douceur; aussi l’Eglise était-elle bondée de fidèles.
Les communions furent générales.
Ce fut Mr l’Abbé Allaire55 du Petit Séminaire de StBoniface qui chanta la Messe. En somme très belle fête (p. 39-40).
Conclusion
Le récit de Jean-Louis Picton offre une vue partielle et subjective de l’expérience migratoire d’un colon français au Canada au début du xxe siècle. C’est un riche témoignage de la disposition mentale dans laquelle l’individu se trouve face à un événement central, sous-tendu tout à la fois par la rupture, marquée par l’abandon de sa région natale et de ses attaches ancestrales, et par l’espoir de maintenir, dans le pays d’adoption, un cadre de vie en accord avec ses convictions morales et idéologiques. Le récit fournit également de précieux indices sur le processus d’acculturation des migrants. Il atteste aussi du désir de l’individu de narrer son histoire singulière, afin d’en laisser des traces pour les générations futures, mais aussi, probablement, pour le plaisir de l’exploitation d’un savoir scolaire qui permet de mettre en mots, sans prétention, les moments marquants d’un fragment de vie. En ce sens, le témoignage de Picton, comme d’autres récits de voyage ou de migration qui ne sont pas le fait de membres de l’élite, participe tout autant à la construction de l’histoire que les récits de figures marquantes.
Figure 19Famille Jean-Louis et Sophie-Louise Picton, 1913
Société historique de Saint-Boniface, Collection générale de la Société historique de Saint-Boniface, SHSB 10804.
Liste des abréviations et équivalences
- Cie Compagnie
- Co Company
- fme femme (de)
- Fois François
- Fr, fr ou f francs
- J Bte Jean-Baptiste
- Jn Jean
- Mce Maurice
- Mtre maître
- St Jean de Mne Saint-Jean-de-Maurienne
- St Julien de Mne Saint-Julien-de-Maurienne
- 7 bre septembre
- 9 bre novembre
- Xbre décembre
Notes
- Je voudrais remercier Yves Frenette (Université de Saint-Boniface), Serge Jaumain (Université libre de Bruxelles) et Gilles Lesage (Société historique de Saint-Boniface) pour leur lecture attentive de la première version de ce texte, ainsi que pour leurs commentaires judicieux qui m’ont permis de l’améliorer. Mes remerciements vont également à Julie Ried, archiviste au Centre du patrimoine de Saint-Boniface, dont l’aide a grandement facilité mes recherches archivistiques, et à Roger Bazin et Robert De Smet, pour leur accueil à la Société historique de Saint-Claude.
- C’est l’une des interprétations du nom de la paroisse. Le Geographical Names Book of Manitoba (2000: 109) rattache également le nom de Haywood à la présence de zones alternatives de clairières de foin (hay) et de boisés (wood). Pour les autres interprétations, voir Archives de la S.H.S.B. Dragon, 1985: 7-8.
- Vingt-six Jarriens quittent la Maurienne pour le Canada, mais l’un d’entre eux, Jean-Baptiste Déquier, ne se rend pas au Manitoba et finit par retourner en France (Dossier Savoyards, 1959, SHSB, Fonds 0001, 1,2/63/307).
- Le village anglophone de Rathwell est situé à environ 14 kilomètres au nord de Notre-Dame-de-Lourdes.
- Maurice Fay et sa famille seraient arrivés au Canada en 1892 –
Rapport de l’agent de Paris (hon. Hector Fabre)
, 1892: 230 –, mais le livre du centenaire de Notre-Dame-de-Lourdes (Gaborieau, 1990) ne mentionne leur présence dans la paroisse qu’à partir de 1895. - Selon le livre d’histoire de la paroisse de Haywood, Maurice Fay (1863-1942) serait revenu en France avec l’idée de n’en plus repartir. Les raisons de son retour au pays étaient diverses. D’une part, sa terre était environnée d’anglophones et il craignait de voir ses enfants épouser des protestants. D’autre part, il vivait très modestement et avait perdu l’un de ses enfants. Enfin, il avait le mal du pays (Haywood History Committee, 2007: 156). Notons également que ce premier contingent se rend d’abord dans la région du Lac-Saint-Jean au Québec, sur laquelle Maurice Fay s’est renseigné et où il semble avoir l’intention de rester avec ses compatriotes. Pourtant, il n’y demeure qu’un mois avant de se diriger vers le Manitoba (L’Événement, 1904-05-16, p. 4; Le Soleil, 1904-05-16, p. 8; Frenette et Rivard, à paraître).
- J’utiliserai indifféremment les termes
manuscrit
etjournal
pour référer au document présenté ici. - Le 158e Régiment d’infanterie, créé en 1887, est l’un des trois régiments affectés à la défense des Alpes.
- Picton a 20 ans (âge des appelés) en 1891 et, à cette période, la durée du service militaire est fixée à trois ans, l’âge d’incorporation étant 21 ans.
- Le numéro de page entre parenthèses sans indication de source renvoie à la pagination du manuscrit de Picton.
- Soit 1 120 $ de l’époque.
- Pyée (2005: 299-301) remarque que 35,7 % des migrants français de Notre-Dame-de-Lourdes retournés en France entre 1893 et 1912 reviennent à la Montagne Pembina avant la fin de cette période.
- Soit 80 $ de l’époque.
- Soit 360 $ de l’époque.
- Sa seule remarque négative porte sur le lait qu’on vend aux immigrants à leur débarquement à Québec: bien qu’il soit peu coûteux, il ne le trouve pas à son goût (p. 20).
- Dossier Jean-Louis Picton, SHSB, Fonds 0001, 1/23/724.
- L’original du manuscrit se trouve à la Société historique de Saint-Claude dans le fonds Denis & Louise (Picton) Rosset, Box #2, Location D-4, 30.
- Dossier Savoyards, 1959, SHSB, Fonds 0001, 1,2/63/307.
- Selon l’expression de Picton. Il utilise sans doute le terme postérité dans le sens de
génération
: passer de génération en génération. L’expression usuelle estpasser à la postérité
, la postérité désignant l’ensemble des générations. L’expression de Picton est donc pléonastique. - La cession tardive du duché de Savoie (1860) à la France n’est peut-être pas non plus étrangère à cet attachement régional.
- Pour d’autres hypothèses sur la construction et la rédaction du manuscrit, voir Hallion et Martineau, à paraître.
- Le savoyard est un dialecte du francoprovençal.
- Pierre Picton, fils ainé de Jean-Louis et de Sophie-Louise, est en 2e année de théologie au Grand Séminaire de Montréal en 1918-1919. Il entame son journal personnel de l’année 1919 par un court texte écrit en patois (
patués
) savoyard. Il y précise qu’il se sent tenu de dire quelques mots dans la langue qu’il parlait lors des premiers jours de l’an qu’il a connus enfant (Denis & Louise (Picton) Rosset, Box #1, Location D-4, 2). Pierre, qui a huit ans quand sa famille émigre au Manitoba, semble donc toujours connaître, une quinzaine d’années après l’émigration, la langue régionale de ses parents. Il y est aussi suffisamment attaché pour la transposer à l’écrit dans son journal d’étudiant. - Le manuscrit n’est pas paginé, mais la numérotation est ici intégrée afin de faciliter la contextualisation des passages du texte cités dans les sections précédentes.
- La
loi Combes
, qui supprime l’enseignement congréganiste en France et organise la liquidation des biens des congrégations religieuses, date du 7 juillet 1904. Picton se trompe donc sur l’année. - Les lettres ou mots manquants de passages abîmés dans le manuscrit sont mis entre crochets. Ils sont rétablis lorsque leur sens est manifeste.
- Le mot
impôt
est utilisé dans la version 2 du manuscrit. - Les trois initiales majuscules sont superposées sur le manuscrit.
- Maurice Fay, dont il est souvent question dans le manuscrit, connaît de multiples désignations: Fay Maurice, Mr Fay (Maurice), notre ami ou l’ami Fay (Maurice) ou, tout simplement, Maurice ou Mce Fay.
- Les intertitres figurent dans la marge dans le manuscrit de Picton. Ils sont ici mis en italiques afin de mieux les détacher du texte.
- Picton veut sans doute dire
acquérir
. - Aujourd’hui Hérouil, hameau de la commune de Jarrier. Également orthographié Hyruil dans le manuscrit (p. 13).
- Jean-Pierre Picton (1883-1938), cousin de Jean-Louis, est le fils aîné de Maurice Picton (1855-1937) et de Marie-Sophie Déquier (1852-1901).
- Picton utilise un certain nombre d’abréviations. Nous en donnons la liste et les équivalences à la fin de la section.
-
Loué
, c’est-à-dire que Pierre Gaden a placé ses filles chez un employeur. - Il est intéressant de noter que le court séjour qu’effectue le premier contingent de Savoyards dans la région du Lac-Saint-Jean avant de rejoindre le Manitoba est absent du récit de Picton, même s’il est probable qu’Alexis l’ait mentionné dans sa lettre du 18 juillet, ou que Picton en est été informé par l’un ou l’autre de ses compatriotes par la suite.
- La Compagnie de la Baie d’Hudson, société commerciale fondée en 1670, se consacre à la traite des fourrures pendant deux siècles sur le vaste territoire de la terre de Rupert, qui s’étend autour de la baie d’Hudson et vers l’ouest du Canada actuel. En 1870, elle vend ce territoire au Canada, mais en conserve 5 %, essentiellement des terres arables des Prairies.
- Maurice Picton n’arrive à Haywood qu’au printemps 1905. Il s’agit vraisemblablement de la terre que son fils, Jean-Pierre, a achetée pour la famille.
- Une quartelée, unité de mesure agraire romaine, correspond à environ 315 m2. Malgré l’adoption du système métrique en France en 1795, l’utilisation d’une grande variété d’anciennes mesures agraires persiste dans la France rurale du xixe siècle (Daunassans, 1854: 358-361).
- La commune de Jarrier est constituée de nombreux hameaux et lieux-dits qui s’organisent souvent autour de structures bâties à usage collectif (fours communaux, chapelles, oratoires). Bordet, tout comme les toponymes énumérés par Picton lors de l’épisode de la vente et du partage des terres de son père, est l’un de ces lieux-dits.
- Rathwell.
- Il s’agit de Victor Gilbert-Collet dit la Ferdinande, ancien voisin de Maurice Fay à Rathwell (Dossier Savoyards, 1959, SHSB, Fonds 0001, 1,2/63/307).
- Soit 11 $ de l’époque.
- En Celsius.
- La maison Hernu, Peron et Cie, fondée en 1883, est une société de transports maritimes et d’émigration. D’après le récit de Picton, il semble qu’elle ait assuré le transport de la famille Picton et de ses compatriotes entre Dieppe et Newhaven.
- La compagnie maritime britannique Dominion Line, ou Mississipi and Dominion Steamship Company, est fondée en 1870 sous le nom de Liverpool and Mississipi Steamship Company. Entre 1872 et 1926, elle dessert notamment les villes de Québec et de Montréal au départ de Liverpool (https://www.norwayheritage.com/p_shiplist.asp?co=domin).
- Souligné dans le manuscrit. L’expression au triple galop, qui signifie
à très vive allure
, est commune. Zozote peut être rapproché de zozo, mot d’origine dialectale des domaines d’oïl et du francoprovençal qui y désigne un bouffon ou un pitre (Trésor de la langue française informatisé, zozo). L’expression complète, dont je n’ai pu trouver trace dans les sources consultées, pourrait signifier:courir à très vive allure de manière comique
. L’interprétation est plausible: Victorine, qui part prévenir Alexis et Jean-Pierre de l’arrivée des Savoyards, est probablement animée par la venue du groupe, ce qui peut donner à sa course un aspect comique. - Noté au-dessus: voie ferrée.
- Picton fait référence à la panique bancaire américaine de 1907. Cette crise financière, provoquée par l’effondrement du marché boursier, se produisit au cours d’une période de récession et eut des répercussions sur les économies liées à l’économie nord-américaine, notamment celle du Canada.
- Il s’agit vraisemblablement d’Alexandre Gautron (1883-1971), fils de François et Joséphine (Duchêne) Gautron, originaires de Nouâtre en Touraine (France). Alexandre et ses frères possédaient une machine à vapeur avec laquelle ils
ont défriché une bonne partie des terres de Haywood
; ilsfaisaient aussi les battages chez tous les fermiers
(Haywood History Committee, 2007: 168). - Il s’agit de la belle-mère de Picton, Généreuse Déquier (1838-1907).
- L’abbé Maurice Pierquin est le premier prêtre de la paroisse de Saint-Denis-de-Haywood. Originaire de la région de Reims en France, il officia dans la paroisse de Haywood de 1909 à 1911.
- Il y a une erreur sur la date dans le manuscrit: c’est bien en 1909 que la première messe est célébrée à Haywood.
- Louis-Philippe-Adélard Langevin (1855-1915), père oblat de Marie-Immaculée, est nommé archevêque de Saint-Boniface en 1895.
- L’abbé Cyrille Allaire officie dans la paroisse de Haywood de 1913 à 1921.
Bibliographie
Recensements
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Documents gouvernementaux
Rapport de l’agent de Paris (hon. Hector Fabre)
, Documents de la session (n° 7), Gouvernement du Canada, 1892.
Documents sonores
- Entrevue avec Robert et Thérèse (Augert) Deroche, réalisée par Marie-Chantal Bédard, 15 décembre 2008, dans Corpus Hallion-Bédard, 2008-2010.
Archives
- Société historique de Saint-Claude
- Fonds Denis & Louise (Picton) Rosset
- Box #1 Location D-4, 2. Text document(s): Journal de théologie 1919
- Box #2 Location D-4, 30. Booklet(s): Mémoire d’un Émigrant – Jean Louis Picton
- Société historique de Saint-Boniface (SHSB), Centre du patrimoine
- Collection générale de la SHSB
- Dossier Jean-Louis Picton (n° 1/23/724)
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Figure 20Intérieur de l’église actuelle de la paroisse Saint-Denis à Haywood, 2017
George Penner. Manitoba Historical Society.
© Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), 2025
Tous droits réservés.
Dépôt légal (Québec et Canada), 4e trimestre 2025.
978-2-925257-08-0 (PDF)
Ont contribué à la réalisation de l’ouvrage
- Direction scientifique des Récits de voyage et de migration comme modes de connaissance ethnographique: Canada, États-Unis, Europe (xixe-xxe siècles) – Yves Frenette (Université de Saint-Boniface, titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les circulations et les communautés francophones) et Serge Jaumain (Université libre de Bruxelles)
- Direction scientifique de l’Atlas historique du Québec - La Francophonie nord-américaine – Marc St-Hilaire (CIEQ, Université Laval)
- Direction artistique et responsable de l’édition – Émilie Lapierre Pintal (CIEQ, Université Laval)
- Mise en page, design des cartes et traitement de l’iconographie – Émilie Lapierre Pintal (CIEQ, Université Laval) en collaboration avec Virginie Jullien (Sous les étoiles - studio graphique)
- Formatage des textes – Émilie Lapierre Pintal et Julie Francœur (CIEQ, Université Laval)
- Recherche iconographique – Sandrine Hallion (Université du Manitoba), Émilie Lapierre Pintal et Julie Francœur (CIEQ, Université Laval)
- Révision linguistique – Solange Deschênes
- Coordination – Sophie Marineau, Julie Francœur et François Antaya (CIEQ, Université Laval et UQTR)
- Programmation – Adam Lemire (CIEQ, UQTR)
Comment citer cette publication
«D’un village de Savoie à Haywood au Manitoba: le récit de migration de Jean-Louis Picton (1904-1913)» dans , (dir.), Les récits de voyage et de migration comme modes de connaissance ethnographique: Canada, États-Unis, Europe (XIXe-XXe siècles). (coll. «Atlas historique du Québec» - La francophonie nord-américaine). [En ligne]: https://atlas.cieq.ca/la-francophonie-nord-americaine/interactif/d-un-village-de-savoie-a-haywood-au-manitoba.html (consulté le 3 décembre 2025).